Les plantes de Damien Les plantes médicinales du docteur Damien

l’absinthe nous ouvre l’appétit!

L’absinthe alimente les débats depuis que l’interdiction de la boisson du même nom a été levée. Cette plante nous révèle de nombreuses vertus pour traiter les troubles de l’appétit et de la sphère digestive. Son potentiel antiparasitaire en fera peut-être une plante importante de l’arsenal thérapeutique vétérinaire et de la phytopharmacie.

Histoire de la plante

Mentionnée depuis l’Antiquité pour ses vertus médicinales, l’absinthe (Artemisia absinthium) était déjà consommée par les Grecs et ajoutée dans le vin. Hippocrate ventait l’effet de l’alcool d’absinthe sur la santé.

Au 19ème siècle la consommation d’alcool d’absinthe est à la mode et on lui prête des vertus apéritives et stimulante de l’appétit. Les composés amers stimulent la sécrétion de bile et de sucs gastriques, et favorisent ainsi l’appétit et la digestion. Les récepteurs sensitifs de l’amer sont situés non seulement au niveau de la langue mais aussi dans le tractus digestif, ce qui explique que l’activité est conservée lors de l’absorption de poudre d’absinthe en gélule par exemple (Rozengurt 2006).

Au début du 20ème siècle, la consommation atteint son paroxysme. L’état français se préoccupe de son abus et propose son interdiction, effective en 1915. On a depuis recherché à mettre en évidence une toxicité importante de cette plante, sans vraiment y parvenir. La neurotoxicité des thuyones a été proposée mais elle d’est observable qu’à des doses bien plus importantes que celles absorbées lors de la consommation de liqueur. On pense que ses effets délétères sont principalement dus à la forte proportion d’alcool éthylique, les boissons titrant entre 60 et 70°.

Quelques années plus tard, c’est au tour de l’apéritif anisé de lui voler la vedette, qui se développe avec l’apparition du célèbre Ricard en 1932.

En 1988, Michel Rocard signe un décret réglementant la présence de thuyone dans les boissons à 35 mg/l au maximum. La France reproduira de l’absinthe à partir de 1999. Enfin, la loi de 1915 est définitivement abrogée en 2010.

Composition chimique

La plante est riche en huile essentielle dont la teneur est maximale avant la floraison, et peut atteindre 2 à 6 ml/kg. La concentration en thuyone n’est pas toujours importante dans cette huile essentielle, les différents chimiotypes sont à Z-époxy-alpha-ocimène, alpha-thuyone, acétate de sabinyle ou acétate de chrisanthémyle. Il existe également des chimiotypes mixtes et il convient de vérifier la composition des huiles essentielles d’un lot avant leur consommation.

En plus de l’huile essentielle, la plante contient des lactones sesquiterpèniques (composés amers comme l’absinthine, l’anabsinthine, l’artabsine et la matricine). Elle contient aussi des flavonoïdes (rutine, quercétine), des acides caféiques, chlorogéniques, syringiques, salicylique, vanillique, des caroténoides, des coumarines, des péroxydes homoditerpéniques et du thiophène.

Utilisation traditionnelle

L’utilisation traditionnelle inscrite à la pharmacopée française est le traitement des règles douloureuses et de la perte d’appétit. Aucune étude n’a montré d’intérêt de l’absinthe en cas de règles douloureuses. La deuxième indication a en revanche été expliquée par la présence de principes amers, qui en fait par ailleurs un excellent digestif.

L’European Medecines Agency (EMA ou Agence Européenne du Médicament) a rendu en 2009 un rapport favorable dans l’utilisation en Europe dans les indications traditionnelles suivante : la perte d’appétit temporaire et les problèmes dyspeptiques ou gastro-intestinaux. La dose utilisée est de 2 à 3 g par jour de plante sèche répartie en deux prises ou de 10 ml (deux cuillers à café) de jus exprimé de la plante. L’équivalent de plante sèche peut-être prise en tisane (1g pour 150 ml d’eau bouillante, à laisser infuser 10 min., deux fois par jour) ou en teinture (plante :éthanol 60°, 1 :5).

Effets pharmacologiques

In vitro

Activité antibiotique , antivirale, antifongique et antiparasitaire

Les extraits aqueux riches en acide cafeyl et dicafeylquinique sont capables d’inhiber les pompes d’efflux des bactéries, un des principaux mécanisme de résistance aux antibiotiques (Fiamegos et al. 2011). Le dicafeylquinine inhibe l’intégrase du HIV-1 qui lui permet d’intégrer son ADN dans celui de la cellule hote (Reinke et al. 2002). L’huile essentielle a montré une activité antifongique sur 34 souches pathogènes pour les cultures agricoles (Kordali et al. 2005). L’extrait aqueux, ethanolique ou l’huile essentielle inhibe la croissance d’une amibe (Naegleria fowleri) et de plusieurs parasites (Plasmodium falciparum, Leishmania). L’extrait éthanolique à 2mg/ml est capable de rendre non viable les œufs de Schistosoma mansoni, Fasciola hépatica et Echinostoma caproni (Ferreira et al. 2011).

Activité antioxydante

Les composés phénoliques et les flavonoïdes expliquent une activité antioxydante, importante pour l’extrait méthanolique.

Activité cytotoxique

A des doses de 20 à 25 mg/ml, l’extrait méthanolique d’absinthe est cytotoxique envers des lignées cellulaires cancéreuses du sein, estrogénodépendante ou non (Shafi et al. 2012).

In vivo

Activité sur la sphère digestive

Les effets anti-inflammatoires de la plante ont été mis en évidence dans un essai qui montre l’accélération de la rémission de la maladie de crohn pour des patients traités par 750 mg de poudre de plante trois fois par jour pendant 6 semaines. L’extrait aqueux est également hépatoprotecteur (Amat et al. 2010). Les dérivés de l’acide caféique, présents dans l’extrait, sont aussi antihistaminiques, hypocholestérolémiants et antispasmodiques. De plus, un effet antiulcéreux a été montré chez le rat avec un extrait éthanolique.

Activité sur le système nerveux central

L’extrait méthanolique à une dose de 100 à 200 mg/kg per os est neuroprotecteur chez des souris soumises à une ischémie cérébrale transitoire (Bora et Sharma, 2010).

Activité antiparasitaire

Un extrait éthanolique d’absinthe a montré une activité antipaludique sur des souris infectés par Plasmodium berghei (réduction de 96% de la parasitémie en 4 j à la dose de 74 mg/kg) (Zafar et al. 1990). Les extraits d’absinthe montre une activité inhibitrice des parasites du chat Toxocara cati (Iildiz et al. 2011). 1 à 2 g de feuille séchée/kg en poudre permet de réduire significativement la charge fécale d’œuf de Haemonchus (strongle) chez le mouton (Tariq et al. 2008). Une autre étude montre qu’une alimentation par un fourrage enrichi par 20% d’absinthe séchée pendant la période d’infection élimine le parasite (Valderrabano et al. 2010). L’absinthe diminue également l’infection à Trichinella spiralis chez la souris. A l’inverse, une étude a montré l’impuissance d’un extrait commercial d’absinthe et d’armoise à contrôler les nématodes intestinaux chez la chèvre (Burke et al. 2009).

De manière générale, on peut regretter l’absence de précision quant au chimiotype d’Artemisia absinthum utilisé au cours des études. L’accumulation de données notamment sur l’activité antiparasitaire met en valeur l’intérêt de conduire des études cliniques comparant différents chimiotypes afin de préciser l’efficacité de chacun d’eux.

 

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